l'île est dans notre tête

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. The collectors, 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2. The collectors, 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3. The collectors, 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4. The collectors, 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5. The collectors, 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6. The collectors, 2009

C’était lors de la 53e Biennale de Venise, pour cette occasion le pavillon Danois ainsi que le pavillon Nordique s’étaient réunis pour présenter une seule et même exposition sous la direction du duo d’artiste Elmgreen et Dragset.

The Collectors se composait de deux espaces privés. Les deux pavillons ont en effet été transformés en deux grands appartements à la décoration raffinée et cossue. Grande table de salle à manger, feu de cheminée, télévisions allumées, sculptures, tableaux, bibliothèques, meubles design, mais aussi une multitude de détails étranges comme un escalier complètement détruit au niveau des premières marches, une cuisine qui déborde anormalement d’assiettes, un drap blanc qui recouvre l’un des canapés comme si le lieu était inoccupé depuis plusieurs années ou une servante au corps doré. Avant même de rentrer dans l’un ou l’autre de ces décors, on pouvait noter la présence inquiétante d’un cadavre flottant dans la piscine se tenant entre les deux pavillons.

Le public était guidé par un agent immobilier à travers ces deux habitations dont l’une d’elle portait la mention « À vendre ». Deux portraits fictifs interdépendants, chacun en relation avec l’un des deux pavillons vous était alors dressés. On vous y contait l’histoire des drames familiaux qui hantent les lieux, encore remplis des restes domestiques d’un mystérieux Monsieur B.

Le spectateur se prend alors à chercher des indices dans les lieux, à lire à travers ces objets pour élucider le récit qu’on lui propose. À la manière d’un détective il va comparer le récit conté par l’agent immobilier avec ce qu’il a sous les yeux, il va analyser et interpréter le décor de la maison et la collection d’œuvres d’art minutieusement sélectionnées par le duo d’artiste. Les pavillons sont remplis d’objets en tout genre qui apparaissent comme de potentiels indices. Que font ces vêtements dans les armoires, pourquoi la porcelaine est-elle accumulée de cette manière dans la cuisine, qu’est-ce que les livres dans la bibliothèque disent du contexte culturel de ce Monsieur B.

C’est à travers ce corpus d’objets que les identités des habitants fictifs, leurs passions, leurs mélancolies semblent émerger, pièce par pièce. Chaque détail devenant révélateur des étranges histoires de ces personnages fictifs, leurs obsessions ou leurs divers modes de vie.

Qu’en est-il du titre ? Les collectionneurs. Les habitants en étaient-ils ? Pourquoi collectionnons-nous des objets ? Que peuvent-ils révéler d’une personne, de ce qui déclenche notre sélection ?

Il se trouve que, pour monter cette exposition qui n’est pas une exposition collective au sens classique, le duo d’artiste a sollicité plus d’une vingtaine d’artistes et de créateurs. L’ensemble de ces œuvres contribuent ainsi à créer un format d’exposition différent qui apparaîtra plus proche d’un décor de film qu’un art conventionnellement affiché. On retrouve dans cette installation des aspects se rapprochant d’une intrigue, avec des éléments énigmatiques comme le cadavre, qui attise instantanément notre curiosité et nous incite à aller voir dans les pavillons ce qu’il s’y passe. C’est l’embrayeur du récit, la scène de crime qui nous pousse, à la manière de Sherlock Homes et de tout l’univers du polar, à savoir ce qu’il s’est passé. C’est, grâce aux codes de ce genre littéraire, dont nous sommes tous plus ou moins familiers, que nous enclenchons des mécanismes cognitifs tel que l’investigation. Ainsi, avec ces scénarios communs en tête, nous identifions ce cadavre à une scène de crime, ce qui suggère la présence de potentiels indices aux alentours. On veut en savoir plus, du coup on cherche, puisqu’à l’inverse d’un film ou d’un roman, il ne suffit pas de suivre le cours du récit pour en avoir la résolution. Il faut ici monter son propre film. Ces deux immenses espaces remplis d’objets ainsi que le récit de l’agent immobilier nous donnent matière à prospecter. Ces objets sont autant d’amorces narratives qu’il nous est possible de creuser. Il y a des manques, tout n’est pas dit. Il me semble que c’est dans le vide qui entoure ces objets que le spectateur peut commencer à imaginer, à interpréter transformant ainsi sa visite des lieux en enquête policière.

michael elmgreen et ingar dragset